Pour connaitre LIPSHEIM, venez sur http://www.lipsheim.net
Avec Troll sur les routes de Lipsheim
Il était une fois... Non, je préfère vous
dire "il y avait une fois". Il y avait une fois un joli Troll. Moi.
Qui grelottait. Je vivais dans ces contrées froides du nord de
l'Europe avec une ribambelle de congénères. Ce
n'était pas drôle.
J'étais un joyeux Troll et les autres se laissaient souvent
engourdir par le froid.J'ai décidé de courir
après le soleil. Allons direction sud. Je marchais, marchais,
marchais...Mes petites jambes ne me permettaient pas d'avancer trop
vite. Je rencontrais en cours de route d'autres lutins. Des wichtels,
des cobolts, des daumlings, et même un korrigan qui venait de
l'ouest et qui me raconta ses prouesses en mer d'Iroise. Je ne
voulais pas aller au bord d'une mer.Je venais juste de traverser
cette mer du Nord toujours glacée. Je voulais rester au chaud
au fond des bois.
Un jour de printemps, je débarquais à Liutpolesheim ou un nom comme cela, car en ces temps (nous sommes en 823), l'orthographe était chancelante. Quelques mignonnes maisonnettes en torchis au milieu d'une grande clairière; beaucoup d'arbres tout autour, essentiellement des feuillus, chênes,ormes, peupliers, aussi des saules, car une joli rivière clapotait non loin des maisonnettes : l'Andlau. Dans la forêt, quelques petits nains allaient et venaient au gré de leur fantaisie, se promenant dans la région et oubliant quelquefois de revenir chez eux.
Je restais là. On m'appela troll, car je venais des pays
du nord. Je vivais toujours à côté des hommes,
mais ils ne pouvaient me voir.
Je suivais fidèlement leur vie et l'histoire de leur village.
Oh, il ne devint jamais très grand. Il changea aussi quelque
peu de dénomination. Liutpoleshaim en 823, Lupothesen en 845,
puis un jour ce fut Luppsheim en 1476. Mais à ce moment, nous
étions déjà au XVe siècle. On construisit
des maisons en bois, et très souvent elles brûlaient.
Des soldats, des bandits, des seigneurs et leurs armées
passèrent et repassèrent, ne laissant que ruines sur
leur passage. Il fallait continuellement reconstruire.
En écoutant les villageois, j'appris qu'une fois ils devaient obéissance à l'évêque de Strasbourg, une autre fois à un seigneur. J'entendis le nom de Frédéric de Mittelbach, Richard de Hohenbourg et d'autres encore. Il y avait un nom qui me plaisait : Sicker von Sickingen. Je ne sais pas d'ou il sortait, mais les villageois le craignaient. On ne vivait pas trop mal au village qui devint un jour Lipsheim. Il parait qu'il y eut une grande révolution en 1789, les villageois étaient enfin libres. Plus besoin de devoir obéissance, impôts et autres taxes à l'Evèque qui, paraît-il, était de nouveau propriétaire du petit bourg.
Nous voilà bien avancés dans le temps. On
construisait maintenant de belles maisons qu'on qualifia
d'alsaciennes. Le torchis fut même remplacé par des
briques. Elles ne seraient plus la proie des flammes. Les villageois
étaient aussi moins pauvres. Ils plantaient toujours des
choux, de l'orge et aussi de l'avoine, mais bientôt il s'y
ajouta du tabac et une autre plante qui fait mes
délices.
J'enfouissais deux douzaines avant les grands froids dans ma
tanière bien dissimulée au millieu de la forêt.
Je tenais ainsi le coup jusqu'au printemps. Les villageois les
appelaient des "Zuckerruewe", c'est à dire des betteraves
sucrières. Il parait que c'est un dénommé
Napoléon qui imposa cette culture.Merci Napoléon !
Depuis, sans devenir gros et gras, je n'ai plus de problèmes
de malnutrition en hiver. Une très bonne chose! Ces betteraves
ne poussaient pas exactement à Lipsheim, mais par le jeu des
héritages et autres successions, les habitants semaient et
récoltaient ces légumes sur le ban de toutes les
communes du voisinage.
On parlait maintenant de Lipsheim dans les alentours. Dans la deuxième moitiée du XIXe siècle, on construisit une gare que l'on nomma gare de Fegersheim bien qu'elle se situe sur le ban de Lipsheim. Ne me parlez pas de politique, je n'y comprends rien, mais avouez que c'est quand même bizarre. Et puis, il y eut une belle route parallèle à la voie de chemin de fer Strasbourg-Mulhouse. Et revoilà la politique, car depuis quelque temps, il ne se passe pas de mois sans que l'on parle dans les médias de la fameuse RN 83 avec son goulot d'étranglement justement entre Fegersheim et Lipsheim. Si vous saviez combien de force, d'énergie, mais aussi de papier ont été consacrés à cet épineux problème. Mais ne craignez rien, vous qui empruntez cette grande voie alsacienne nord-sud, il y a un beau feu rouge ( Attention, seulement jusqu'à 22 heures) qui vous permettra de bifurquer ou de traverser vers notre beau village.
Car il est joli, notre village. Avec ses anciennes fermes
à colombages, ces fermes qui sont devenues habitations pour
ceux qui vont travailler à Strasbourg. Il ne reste que
très peu d'agriculteurs, mais vous pouvez toujours chercher
votre lait chez un éleveur. Peu d'habitants travaillent sur
place. Autrefois, je les ai vu tisser dans tous les coins du village.
Ils plantaient du chanvre et le lavaient dans les fossés qui
longeaient certaines habitations. Au village, mes amis les hommes,
étaient presque tous des agriculteurs plus ou moins
fortunés. Plutôt moins que plus. Des petits lutins au
bonnet rouge qui venaient quelquefois me rendre visite, m'apportaient
une boisson que les hommes qualifiaient de vin, et ils me racontaient
de quelles richesses disposaient les habitants. Pas de bon vin
à Lipsheim. Et les agriculteurs essayaient il y a
déjà très longtemps, d'accroître leurs
revenus. Ils cultivaient donc du chanvre et du lin. Oh la la... quel
boulot ! Comme le veulent les lois des lutins, j'effectuais souvent
des B.A., leur donnant un sérieux coup de main, sans
d'ailleurs qu'ils s'en rendent bien compte. Mon chouchou avait une
grande chènevière. Il récoltait le chanvre tous
les mois de juillet et le lavait tout d'abord dans les fossés
qui bordent le village, au Flachsland entre autres. A force de laver,
filer, et que sais-je, on avait finalement des écheveaux de
chanvre et de lin et l'on fabriquait des cordes de chanvre et des
très belles nappes en lin. Il parait que dans les armoires de
certaines villageoises, on trouve encore de ces nappes
empesées et d'une blancheur éclatante. Inusables, ces
nappes, mais les jeunes n'en veulent plus. Leurs nappes sont plus
colorées, plus douces, à moi aussi, elles me plaisent
mieux que tout ce blanc monotone. J'allais presque oublier de vous
dire que les gentilles villageoises qui n'arrêtaient jamais de
travailler, même le soir, tricotaient aussi. Et les filles
avaient tout leur petit attirail, cinq aiguilles, du coton, de la
laine et on y va. On y allait si bien que dans toutes les maisons, on
trouvait quantités de socques, de bas et autres chaussons.
J'entendais les villageois voisins traiter mes amis de
"Sockerstricker", c'est à dire de tricoteurs de
socquettes.
Il y a encore un cours d'eau pas particulièrement propre
que vous traversez sur la RN 83 à la sortie sud. Plus de
chanvre, donc plus de tissage, mais une usine (Gaggenau) qui fabrique
des plaques de cuisson et qui, dieu merci, emploie de la main
d'oeuvre locale.